Potager. Tomates, poivrons, piment: alerte au nouveau virus

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Tomates atteintes par le virus ci-joint. Celles-ci sont d’origine Israël et de Septembre/Octobre 2019.
Crédit photo: ANSES

Tomates atteintes par le virus ci-joint. Celles-ci sont d’origine Israël et de Septembre/Octobre 2019.
Crédit photo: ANSES

Un nouveau virus menace les cultures potagères en France et notamment celles des tomates dont on sait combien ce légume fruit est populaire dans nos jardins potagers. C’est la très sérieuse Agence nationale de sécurité alimentaire et sanitaire (ANSES) qui lance l’alerte. ce nouveau virus émergent porte le doux nom de Tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV). Dans un communiqué, l’ANSES met en garde contre la dangerosité de cette maladie qui semble gagner du terrain et est pour l’instant sans remède.
« Ce virus peut en effet se transmettre par les semences, les plants et les fruits infectés, ainsi que par simple contact, survivre longtemps sans perdre son pouvoir infectieux, et aucun traitement ou aucune variété résistante n’existe aujourd’hui contre ce virus », écrit notamment l’agence (voir ci-dessous).

Les régions du grand ouest, où la production de tomates est importante sont particulièrement menacées par ce virus: « La zone d’établissement potentiel où un impact est à prévoir inclut donc les zones de production commerciales et les jardins de particuliers où les plantes hôtes sont cultivées. Néanmoins, la zone menacée peut être restreinte aux régions de production à grande échelle ou à des fins de commercialisation de tomates (sous abris et plein champ) ainsi que celles de production de piments. Il s’agit principalement des régions du Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire), Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle Aquitaine. »

Quatre questions à…

Christine Tayeh, coordinatrice de l’expertise « Evaluation du risque liée au tomato brown rugose fruit virus pour la France métropolitaine ». 

Ce virus peut-il être déjà présent en France?

-Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune déclaration de présence de ce virus en France, l’agence recommande la mise en place d’un plan de surveillance

Comment identifier avec précision ce virus?

-Les plantes attaquées peuvent présenter divers symptômes (mosaïque sur feuilles, maturation irrégulière des fruits, nécrose sur les pédoncules floraux, parfois rugose sur les fruits…) ces symptômes peuvent varier en fonction des variétés ou des conditions de culture et la capacité de se rendre compte de la présence potentielle de ce virus dépend de la personne qui fait l’observation, spécialiste des virus de la tomate ou non. Les exploitations professionnelles sont bien informées. Ce qui n’est pas forcément le cas des jardiniers amateurs. C’est la raison pour laquelle l’agence recommande une bonne information de ces acteurs, en cas de suspicion de signaler leur observation auprès des organismes spécialisés comme les FREDON (Fédérations départementales de lutte contre les Organismes Nuisibles) ou les SRAAL (directions régionales de l’alimentation de l’agriculture et de la foret) et de se tenir informés en consultant les bulletins de santé du végétal (ndlr: ces bulletins sont mis à disposition de tous les acteurs gratuitement sur les sites internet des Chambres régionales d’agriculture et des DRAAF.) D’une manière générale, l’agence recommande une stratégie d’information du grand public et des professionnels qui repose sur la séquence des 3S: s’informer, surveiller, signaler

Les plantes infectées par ce virus présentent elles un danger pour la santé humaine?

-Non. Ce virus n’est pas dangereux pour la santé. il présente par contre une menace pour les cultures concernées. Actuellement trois plantes hôtes confirmées sont identifiées en plus des plantes hôtes expérimentales: la tomate, le poivron et le piment. Il y a une incertitude sur l’aubergine à partir d'(un seul cas observé au Mexique). Des tests sont effectués sur d’autres plantes comme les pommes de terre qui ne sont pas sensibles au virus. 

Quels conseils peut-on donner aux producteurs professionnels ou amateurs?

Il est essentiel de faire un signalement au moindre doute. L’agence préconise en cas de détection une stratégie d’éradication totale avec arrachage et destruction des plantes après autorisation, désinfection des outils et des supports et mise en place d’un vide sanitaire. Il est également nécessaire de respecter de bonnes pratiques d’hygiène au sein des exploitations et cela vaut aussi pour les jardiniers amateurs chez qui le risque de transfert serait plus important. Des mesures d’urgence ont été instaurées au niveau européen en novembre 2019 pour interdire toute importation de plants et de semences de tomates et de poivrons et piments venant des pays touchés par ce virus. Ce virus peut être véhiculé par les plantes, les fruits mais aussi les semences lors d’échanges commerciaux. Il faut donc respecter cette réglementation et être vigilant en cas d’achat sur internet.

Le communiqué de l’ANSES:
« L’Anses alerte sur un nouveau virus émergent qui menace la culture des tomates, piments et poivrons en France. Le Tomato brown rugose fruit virus (ToBRFV) est particulièrement dangereux pour les plantes qui y sont sensibles. Ce virus peut en effet se transmettre par les semences, les plants et les fruits infectés, ainsi que par simple contact, survivre longtemps sans perdre son pouvoir infectieux, et aucun traitement ou aucune variété résistante n’existe aujourd’hui contre ce virus. Identifié pour la 1ère fois au Moyen-Orient en 2014, les signalements se multiplient depuis 2018 au Mexique, aux Etats-Unis, puis en Europe et en Asie. Suite à son expertise, l’Anses confirme un risque élevé d’introduction et de dissémination du virus en France avec un impact potentiel conséquent sur les cultures, tant pour les filières professionnelles que pour les productions familiales qui représentent des volumes significatifs. L’Agence rappelle l’importance du respect de la réglementation européenne sur les importations de semences et les plants, avec des exigences particulières pour les importations de fruits. Elle recommande de mettre en place un plan de surveillance adapté, de signaler rapidement la présence du virus sur une aire de production et de viser l’éradication du virus dans ces structures. Enfin, il est nécessaire d’informer les particuliers et les professionnels sur le risque posé par le ToBRFV et les mesures de prévention à mettre en œuvre.

Grâce à la veille sanitaire de son Laboratoire de la santé des végétaux et de ses experts spécialisés, l’Anses a lancé une alerte sur un virus émergent de la tomate : ToBRFV. Ce virus affecte les productions de tomates, de piments et poivrons à travers le monde. Les premiers signalements datent de 2014 en Israël et 2015 en Jordanie. En 2018, le virus est signalé au Mexique, Etats-Unis, Allemagne et en Italie. Depuis, la distribution géographique du ToBRFV a évolué avec des déclarations confirmées en Chine, Turquie, Grèce, Pays-Bas, Royaume-Uni et Espagne. Il a été éradiqué en Allemagne et aux Etats-Unis. En 2019, des mesures d’urgence ont été adoptées au niveau européen afin de répondre à cette émergence. Dans ce contexte, l’Agence a mené une évaluation de risque pour la France métropolitaine.

Un virus émergent destructeur pour les tomates
Les tobamovirus, genre auquel appartient le ToBRFV, peuvent pénétrer dans la plante par des microblessures provoquées par un contact physique avec tout support porteur de virus : plantes, mains, outils de travail, vêtements de manipulateurs, insectes pollinisateurs, oiseaux ou eau d’irrigation. Une fois dans la plante, ils se propagent de cellule à cellule et envahissent la plante entière. Les semences, les plants et les fruits restent infectieux et peuvent véhiculer le ToBRFV sur de longues distances, notamment lors d’échanges commerciaux.

Les dégâts observés sur tomate en production sous serre incluent des symptômes sur feuilles (chloroses, mosaïques et marbrures), ainsi que des taches nécrotiques sur les pédoncules, calices et pédoncules floraux. Les fruits présentent des décolorations résultant d’une maturation irrégulière, avec des tâches jaunes ou brunes, des déformations et parfois des symptômes de rugosité caractéristiques, devenant ainsi non commercialisables. Le virus peut infecter jusqu’à 100% des plantes sur un site de production, ce qui le rend redoutable pour les cultures à haute densité de plantation comme les cultures sous serre. Néanmoins, toutes les cultures de tomates peuvent être impactées : agriculture conventionnelle, biologique, en protection biologique intégrée, sous serre et plein champ.

Ces virus sont très stables et peuvent survivre plusieurs mois sur des supports inertes sans perte de pouvoir infectieux. D’autre part, les variétés de tomates n’ont pas développé de résistance contre le ToBRFV, contrairement aux virus de la même famille (grâce aux gènes Tm-2 et Tm-22). De plus, aucun moyen de lutte chimique, génétique ou de bio-contrôle n’existe à ce jour contre ce virus. En tant que pays producteur de tomates, la France risque de subir des conséquences économiques importantes dans les filières de production, mais aussi dans les productions familiales dont la surface cultivée est estimée comme étant du même ordre de grandeur que la production industrielle en plein champ.

Agir pour prévenir l’entrée et éradiquer le ToBRFV en cas d’introduction
Suite à son expertise, l’Anses confirme le risque élevé d’introduction, de dissémination et d’impact pour les cultures en France. L’Agence recommande donc la mise en place de mesures de gestion. Afin d’éviter l’entrée du ToBRFV, il est primordial de respecter les mesures d’urgence relatives aux semences et plants destinés à la plantation mises en place au niveau européen. De plus, sont recommandées les importations de fruits à partir de sites de production déclarés exempts de ToBRFV.

L’Agence estime que le risque de transfert du virus des fruits importés vers les cultures est plus probable dans les productions familiales que dans le cadre du monde professionnel, en raison de la proximité entre les activités culinaires et celles de la production ainsi que de la circulation des manipulateurs sur le site de production par rapport aux exploitations professionnelles dont les activités sont plus structurées. S’ajoute à cela le risque d’entrée via le marché des semences achetées par les particuliers sur internet. Ainsi, l’Anses recommande d’informer les particuliers sur ce nouveau risque.

Pour augmenter les chances d’éradication du ToBRFV en cas d’entrée et d’établissement en France, l’Agence préconise des mesures à deux niveaux :

mise en place d’un plan national pour garantir une surveillance structurée et une détection précoce du ToBRFV, ce qui permettra d’appliquer rapidement les mesures de lutte ;
arrachage des plantes (symptomatiques et asymptomatiques) dans l’unité de production contaminée et destruction par le feu après autorisation réglementaire, couplés à des mesures de prophylaxie strictes comprenant notamment la mise en place d’un vide sanitaire adapté sur le site de production.
Seule une action rapide et déterminée impliquant des efforts de communication auprès des professionnels et des amateurs permettra d’atteindre l’objectif d’éradication. L’Agence insiste sur l’importance cruciale de signaler rapidement la présence du virus dans les aires de production. En effet, l’Agence émet des doutes sur le succès d’une stratégie d’enrayement visant seulement à limiter la dissémination du virus grâce à l’application des mesures d’hygiène et une restriction de mouvements de matériel végétal contaminé.

S’agissant d’un organisme nuisible nouveau et émergent, l’Agence pointe également un besoin de travaux de recherche pour combler certaines incertitudes : évaluation du taux de transmission par les semences, efficacité des traitements de semences et caractérisation de la gamme d’hôtes (en particulier le rôle de plantes relais) et apporter des stratégies de lutte durable telles que l’obtention de variétés résistantes par exemple. »

Le rapport complet de l’ANSES:

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